Le Point :
Meccano. Les chantiers se multiplient, mais c'est encore et toujours sur l'île Seguin que les esprits s'agitent le plus
Son prédécesseur, Jean-Pierre Fourcade, ne voit en lui qu'un « maire inaugurateur », ses partisans le considèrent plutôt comme un « maire bâtisseur ». « Pierre-Christophe Baguet joue aux Legos avec sa ville, mais il a une vision globale sur les 50 prochaines années, claironne Gauthier Mougin, son adjoint chargé de l'urbanisme. A son arrivée, il nous a dit : "Voyez grand, voyez large." » Le grand défi de sa mandature ? L'achèvement du quartier Ile Seguin-Rives de Seine, bien sûr ! Entamé par Jean-Pierre Fourcade, le chantier a été l'objet d'une violente bataille entre les deux rivaux pendant la campagne municipale de 2008. Et pour cause : quelle ville de la région parisienne dispose encore d'une friche de 74 hectares, prête à accueillir l'équivalent de la population de Chaville, soit environ 18 000 habitants, et dotée d'un site aussi emblématique que l'île Seguin ? De quoi aiguiser l'ambition du nouveau maire, qui a donc remis à plat le projet Fourcade, pour y graver son empreinte.
L'ÎLE SEGUIN
Annoncé comme révolutionnaire, le projet d'aménagement de l'île Seguin du nouveau maire a été depuis édulcoré : les guinguettes et la halle pour défilés de mode ou marchés de Noël ont disparu. Et certains projets programmés par Jean-Pierre Fourcade ont finalement été conservés, tels l'hôtel quatre étoiles et la résidence d'artistes. Pour le reste, Pierre-Christophe Baguet a emboîté le pas au président du conseil général, Patrick Devedjian, et à son projet de « Vallée de la culture », dans laquelle l'île Seguin doit s'insérer. Exit donc la partie scientifique de l'île. Ce que ne laisse pas de regretter Jean-Pierre Fourcade. « Refuser d'implanter un grand centre de recherche médicale et de sciences de l'homme est une erreur historique, estime le sénateur. Mais la faute n'en incombe pas seulement à l'équipe municipale, elle remonte jusqu'au président de la République. » Nicolas Sarkozy a en effet défendu l'idée d'un jardin de sculptures. Il y aura bien un jardin de 4 hectares sur l'île Seguin, mais finalement sans oeuvres. Dessiné par Michel Desvignes, il sera ouvert au public sur une première tranche, au printemps prochain. « Il est urgent de rouvrir l'île aux Boulonnais » , explique Pierre-Christophe Baguet.
Le paysagiste a prévu des masses végétales hautes, mais pas d'arbres, et, dans un premier temps, une grande pelouse qui restera à aménager pour accueillir des événements, des restaurants et un lieu à la mémoire de Renault. L'Elysée n'en conserve pas moins des vues sur le site, avec notamment un projet de musée de l'Histoire de France et des Français. Autre projet, voté celui-là, et doté de 150 millions d'euros : la Cité de la musique, portée par le conseil général, qui a racheté la pointe aval - où devait s'installer la fondation Pinault - pour 1 euro symbolique à la ville (voir page X). Le maire, qui ambitionne d'y installer aussi le conservatoire à rayonnement régional, espère bien que l'annonce de cette cité vouée à la musique aura un effet d'entraînement sur les autres projets.
« L'intérêt pour l'île ne se dément pas, affirme André Moine, directeur général de la Saem Val de Seine, la société anonyme d'économie mixte chargée de l'aménagement des terrains Renault. Mais il était urgent de montrer qu'il s'y passe quelque chose. » Sur le reste de l'île, toutes les spéculations sont encore de mise. Sur la pointe amont, le maire rêve d'un complexe consacré à l'art contemporain.
Au centre, il imagine un pôle cinématographique ultramoderne ainsi qu'un équipement voué à la création numérique, en partenariat avec le Cube d'Issy-les-Moulineaux, lieu unique en France de formation, d'exposition et d'incubation de jeunes entreprises spécialisées dans ce domaine. Equilibre budgétaire oblige, les 40 000 mètres carrés de bureaux prévus par la municipalité seraient affectés aux « industries culturelles ». « Je suis en contact avec des sociétés de jeux vidéo et une station de radio », affirme le maire.
Ce qui n'empêche pas Jean- Pierre Fourcade de s'inquiéter des finances de la Saem Val de Seine, « qui a dû emprunter 100 millions d'euros ». André Moine balaie le problème d'un revers de main : « L'emprunt finance les dépenses en attendant les recettes des projets ; c'est une opération courante dans ce genre d'aménagement. » En attendant, ces projets rendront- ils l'île Seguin aux Boulonnais, comme l'avait annoncé Pierre-Christophe Baguet pendant la campagne électorale ? « Non, répond sans hésiter la conseillère municipale socialiste Marie- Hélène Vouette. Ils ne serviront que partiellement aux habitants. Mais cequi m'inquiète le plus, c'est que la ville perde la maîtrise de l'aménagement en laissant entrer le conseil général, Issy-les-Moulineaux et l'Etat : les Boulonnais ont payé le terrain et la ville n'aura aucun retour financier ! » Petite consolation pour les déçus du projet Baguet : la nomination en juillet dernier de Jean Nouvel comme architecte coordonnateur. Sa première proposition devrait être présentée au printemps. Pour le moment, il se murmure que le concepteur du musée du Quai-Branly rêve de poser au milieu de l'île une grande serre recouvrant une place publique plantée, à l'image de la gare d'Atocha, à Madrid.
LE TRAPÈZE CÔTÉ OUEST
De l'autre côté de la Seine, en revanche, le Trapèze prend forme. La partie ouest était déjà bien entamée à l'arrivée de Pierre-Christophe Baguet à la mairie. Le 17 octobre, les Boulonnais ont ainsi pu découvrir le nouveau Cours de l'île Seguin, bordé de logements et de bureaux à l'architecture contemporaine. Au printemps, un petit quart du parc de Billancourt, qui s'étalera à terme sur 7 hectares, ouvrira au public. Suivront, à la rentrée 2010, la livraison d'une première crèche, de 65 logements sociaux et d'un groupe scolaire de 18 classes maternelles et élémentaires. La tour Horizons de Jean Nouvel, bâtiment de bureaux de 19 étages - composé de trois volumes superposés de taille décroissante reliés par des terrasses végétales -, verra le jour à la mi-2011, ainsi que la crèche construite à ses pieds, contenant 60 berceaux et 20 places de halte-garderie. En septembre prochain, la première école publique bilingue fera également sa rentrée. « Il s'agit d'une école pilote dans laquelle tous les enseignants seront natifs de pays anglosaxons », annonce le député maire.
Une bonne nouvelle pour le représentant boulonnais du MoDem, Sylvain Canet, par ailleurs directeur de l'école du Forum au pont de Sèvres : « Nous sommes en discussion pour que les écoliers de mon quartier aient accès à une offre équivalente. » Au total, sur l'ensemble du Trapèze, 2 600 logements sont prévus, dont un tiers de logements sociaux. A l'ouest, 800 auront été livrés à la fin de l'année. Toutefois, les premiers appartements occupés n'ont pas fait que des heureux : fuites d'eau, pannes d'ascenseur, autant de malfaçons constatées dans les immeubles déjà livrés. A 7 000 euros le mètre carré, les nouveaux habitants l'ont particulièrement mal vécu. « J'ai nommé un architecte à la retraite comme médiateur pour que les propriétaires puissent régler rapidement ces problèmes », assure Pierre-Christophe Baguet.
LE TRAPÈZE CÔTÉ EST
Moins contraint par les décisions de son prédécesseur sur la partie est du Trapèze, le député maire a choisi de réduire de 30 000 mètres carrés la partie logements initialement prévue et d'augmenter d'autant la partie bureaux. Conformément à la révision du plan local d'urbanisme (PLU) qu'il a engagé, il s'agit pour Pierre-Christophe Baguet de limiter la densification de la ville. « On est déjà à 17 000 habitants au kilomètre carré », note l'édile. Et de rappeler qu'à son arrivée Boulogne a failli être placée sous tutelle préfectorale du fait de son niveau d'endettement - 224 millions en 2008. « Les bureaux permettront de payer les équipements », explique le maire. « Quels équipements ?, s'interroge l'opposante Marie-Hélène Vouette. Pour le moment, il n'y a que le strict minimum. Le Trapèze est une zone privée, sur laquelle des promoteurs montent des opérations, pas plus. » Sur cette partie, cinq îlots d'une surface totale de 175 000 mètres carrés ont été programmés en mars dernier. Les futurs habitants devraient y trouver un foyer d'accueil médicalisé, un jardin d'enfants, un espace pastoral catholique, une crèche de 1 000 mètres carrés, un lycée, des commerces et des restaurants. Mais rien ne sortira avant 2013, la crise est passée par là. « On laisseun an aux promoteurs après la signature du permis de construire pour lancer les travaux », explique André Moine.
LE QUARTIER DU PONT DE SÈVRES
A côté, le quartier du Pont de Sèvres, marqué par l'architecture sur dalle des années 70, va être rénové. « On ne fera jamais de miracle sur ce quartier, prévient d'emblée Gauthier Mougin. Mais on veut le rendre plus accueillant et l'ouvrir sur le reste de la ville. » Concrètement, les façades des trois tours de bureaux vides, détenues par General Electric, vont être liftées par l'architecte Dominique Perrault. Qui occupera ces futures tours de verre à leur livraison dans deux ans ? Le maire affirme être en contact avec sept entreprises. Quant à la gare routière, Pierre-Christophe Baguet envisage de l'enfouir, comme un premier pas vers son projet de tunnel sous la RN 10 ou la RD 1. Dans le Forum, la crèche des Lavandières sera détruite au profit d'une place arborée, qui verra le jour en 2011. Et pour relier le quartier au Trapèze, le boyau technique situé dans le prolongement du passage d'Aquitaine laissera place à une galerie commerciale. Enfin, la ville a lancé, avec l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, un projet de modernisation des 1 200 logements sociaux du Pont de Sèvres, pour un coût de 100 millions d'euros. Reste qu'aujourd'hui le projet est au point mort car, sur la partie haute de la dalle, les locataires refusent l'augmentation de loyer qui résultera de la rénovation de leurs appartements. « Cela pénalise l'ensemble de notre programme », regrette l'adjoint à l'urbanisme. Ce dernier peut toujours se consoler avec les 19 projets envisagés dans les autres quartiers de Boulogne pour améliorer la circulation et mieux agencer les équipements publics. Deux d'entre eux ont été votés autour de la place du Marché et du centre de gérontologie des Abondances. Mais aucun calendrier n'est pour l'instant fixé
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