mercredi 30 janvier 2008

Guy Sorman : Boulogne, c’est une sorte de principauté.



Guy Sorman, un conseiller municipal critique sur son maire JP Fourcade ?

Libération :

"L’écrivain et éditeur Guy Sorman a été maire-adjoint à la culture Boulogne-Billancourt de 2001 à 2006. Peu favorable au projet d’aménagement souhaité par Nicolas Sarkozy, il affirme que cette richissime commune souffre du «syndrome monégasque».


La droite se déchire à Boulogne, comme à chaque élection depuis un quart de siècle. Cette ville

rend-elle fou ?

Boulogne est dans une situation unique dans l’agglomération parisienne. C’est une sorte de principauté, comme Andorre ou Monaco, avec des ressources financières considérables. Il n’y a pas de casino, mais de très nombreux sièges sociaux. Dans le bureau du maire, vous verrez une carte de la commune : on ne voit que Boulogne, Paris est effacé, la capitale n’est plus qu’un no man’s land. Cette commune peut se permettre d’ignorer ses voisines.

Cela paraît difficile, au cœur de l’Ile-de-France.

C’est pourtant le cas. L’isolement politique et économique est facilité par une situation géographique très particulière. Boulogne est enfermé dans des frontières naturelles, entre la boucle de la Seine, le bois de Boulogne et le périphérique. C’est exceptionnel : aucune autre ville en petite couronne ne bénéficie d’une telle situation. Cela a permis l’émergence de cette étrange féodalité...

… qui fait du maire une sorte de suzerain ?

Absolument. Et, pour gérer sa principauté, le maire de Boulogne ne demande rien à personne. Il refuse toute coopération sérieuse avec Paris ou Issy-les-Moulineaux. J’entends encore le testament politique de l’ancien maire Paul Graziani : «Je compte sur vous pour que Boulogne ne devienne pas le XXIe arrondissement de Paris !» déclarait-il après sa défaite. Jean-Pierre Fourcade [candidat et ancien maire, ndlr] est dans cette tradition quand il explique que l’élection de Pierre-Christophe Baguet [candidat UMP] menace l’indépendance de la ville. On met en garde contre une menace «d’annexion» par le département ou par l’Etat. C’est le syndrome monégasque.

N’est-il pas étrange que les partis politiques n’aient pas su imposer leur discipline ?
Non, car à Boulogne les vainqueurs furent souvent des candidats dissidents. C’est sans investiture que Fourcade a été maire en 1995. Sans investiture que Baguet est devenu député en 1997. Les élus boulonnais ont souvent eu des comportements politiques anarchiques.

Ce syndrome a-t-il perturbé l’aménagement des terrains Renault ?

Bien sûr. Car ce dossier était, au minimum, une affaire régionale, si ce n’est nationale. La ville seule n’avait pas les moyens de faire face. Fourcade a été un très grand maire. Mais dans le second mandat, la question des terrains Renault est devenue une obsession. Fourcade a très mal vécu le départ de Pinault. Il voulait prouver qu’il était capable de continuer sans lui. Ce devait être la revanche du Comte de Monte-Christo.

Faut-il, comme semble le souhaiter Nicolas Sarkozy, transformer l’île Seguin en jardin-musée de sculptures ?

Je ne vois pas pourquoi on neutraliserait cette île. Il y a déjà des parcs tout autour. Une ville vivante, c’est un endroit où des gens vivent. Sinon, c’est un désert. Le principe d’un aménagement en trois tiers me paraît bon : un tiers de jardin, un tiers d’équipement - notamment universitaire - et un tiers pour l’habitat de gens normaux."

Aucun commentaire: